Brève histoire de l'astronomie

 

Introduction

Après les cosmogonies mythiques des anciennes civilisations (voir Egypte et Mésopotamie), les philosophes naturalistes grecs du VI-IVème siècle av. J.-C. ont d'étonnantes intuitions. Voir ici plus bas.

Quant à l'astronomie d'observation, les Grecs, comme les peuples avant eux, en observant le ciel voyaient une sphère sertie d'étoiles qui tournait en 24 h autour d'un axe qui semblait passer par le centre de la Terre et par une étoile particulière (aujourd'hui l'étoile Polaire).

Sur ce fond d'étoiles (firmament), on pouvait remarquer quelques astres "vagants" (en grec "planetes"), se déplaçant lentement dans une étroite bande du ciel appelée " zodiaque " (lieu des petits animaux. Ces astres sont :

- La Lune
- Le Soleil
- Mercure, Venus, Mars, Jupiter, Saturne

Le zodiaque est plus haut sur l'horizon en été qu'en hiver (hémisphère nord). Les douze constellations marquent la position du Soleil par rapport aux étoiles en chaque mois de l'année.

Les 5 planètes proprement dîtes sont les seules visible à l'œil nu - la découverte d'Uranus se fera au télescope (Herschel 1781). Les noms des planètes correspondent à la version latine des noms des principaux dieux de la Grèce.

Alors que la Lune et le Soleil parcourent leurs orbites plus ou moins régulièrement, les planètes les plus proches de la Terre (Mercure, Venus, Mars) ont un comportement bizarre:

  1. il semblent changer de luminosité le long de leur période de révolution (comme s'ils se rapprochaient de la Terre),

  2. dans la phase de luminosité accrue il semblent s'arrêter et inverser leur parcours, puis s'arrêter à nouveau et reprendre leur parcours régulier. En termes techniques on parle de "stations" et "rétrogradations".

[Figures 1 et 2 - Tout ceci est explicable par les orbites par rapport à la Terre d'une planète "interne" (située entre la Terre et le Soleil), Mercure, et d'une planète "externe" (à la Terre) comme Mars].

D'autres peuples, comme les Chinois et les Mayas, s'intéressèrent également au ciel, mais il fallut attendre le VIIe siècle av. J.-C. pour que les Grecs fassent de l'astronomie une véritable science, en écartant tout surnaturel dans l'interprétation des phénomènes.

Les Grecs, avec une vision assez moderne, parlaient "d'apparences", car probablement ils ne croyaient pas qu'un astre puisse vraiment s'arrêter et inverser don chemin. Le seul mouvement "vrai" que l'on pouvait prêter à un astre était un mouvement circulaire uniforme (avec vitesse constante).

Le miracle grec

Du VIe au IVe siècle av. J.-C. les philosophes naturalistes grecs (école de Milet et écoles d'Italie) ont beaucoup avancé en cosmologie. Pêle-mêle :

- La Terre est suspendue dans l'espace;
- Terre, Lune et Soleil ont la même composition, et la même forme, sphérique;
- la Terre tourne sur elle même en 24 h et autour d'un feu central en 1 an;
- la Lune reçoit sa lumière du Soleil;
- les lois des mouvements célestes sont mathématiques;
- il y a quatre éléments fondamentaux : terre, eau, air et feu;
- la matière est constituée d'atomes indivisibles et indestructibles;
- la Terre et le Cosmos sont nés du chaos par effet d'un immense tourbillon;
- tant qu'elles tournent, les astres restent en l'air, si ils s'arrêtaient il tomberaient sur la Terre, comme le font les météorites;
- la Terre tourne dans son enveloppe d'air;
- les étoiles sont d'autres soleils, et il peut y avoir d'autres mondes habitées; etc.

Au faîte de sa puissance Athènes (où la science n'avait pas d'adeptes),vit l'ouverture de grandes écoles : l'Académie de Platon (427-347 av. J.-C.), disciple de Socrate, et le Lycée d'Aristote (384-322 av. J.-C.).

Platon se passionne à la physique en âge avancé. Il pose ce problème aux mathématiciens:

- quels sont les mouvements circulaires et uniformes ("parfaits") qu'il convient de prendre pour hypothèses afin de sauver les apparences que les astres errants nous présentent ?

[[ Les huit astres errants étant la Lune, le Soleil, Mercure, Venus, Mars, Jupiter , Saturne, auxquels on ajoute les étoiles, dites "fixes" parce qu'elles sont fixées à une sphère plus externe (d'où le nom "firmament"). ]]

Au IVe siècle av. J.-C., la réponse fournie par Eudoxe de Cnide à Platon est purement mathématique. Les astres mobiles sont transportés par un système de 27 sphères, ayant le même centre que la Terre, chaque sphère tournant autour d'un axe plus ou moins incliné pris dans la sphère immédiatement extérieure (système à feuilles d'oignon). La rotation de chaque sphère est uniforme, mais la vitesse et même le sens de rotation sont propres à chacune.

Ce modèle requiert quatre sphères pour chaque planète, trois sphères chacun pour le Soleil et la Lune, et une grande sphère pour les étoiles : 27 sphères au total.

Les mouvements observées sont assez bien reproduits, mais on n'explique pas les changements de luminosité; on feint donc de ne pas les voir.

Le système de sphères "homocentriques" emboîtées d'Eudoxe, avec ses axes et vitesses de rotation différents, est amélioré par Callippe avec 7 sphères supplémentaires.

Enfin, Aristote le "classificateur" s'attelle à une théorie du monde qui puisse expliquer... tout.

Il s'empare des idées courantes sur la matière et le cosmos, et construit un système unitaire, pas forcement vrai mais bien lié, et blindé par une logique implacable.
On ne peut modifier à ce système sans le re-formuler complètement, chose que personne ne saura faire jusqu'au XVIIe ou XVIIIe siècle.

La Cosmologie d'Aristote.

Le domaine céleste compris entre la sphère des fixes et celle de la Lune est composé d'un cinquième élément, l'éther.
Dans ce domaine, les mouvements "naturels" sont circulaires et uniformes; les corps incorruptibles qu'y sont logés, les étoiles et les planètes, ne peuvent que tourner éternellement autour du centre de l'univers.

- C'est un univers clos, et relativement petit.
- Les orbes emboîtés ont une réalité physique concrète.
- Le nombre de sphères homocentriques passe à 55 (pour désaccoupler les mouvements).
- La sphère la plus externe est entraînée par un "moteur premier", et entraîne les autres dans sa rotation diurne de 24 heures.

La Terre et la région sub-lunaire sont composées des 4 élément d'Empedocle. Les mouvements "naturels" de ces éléments sont

- vers le haut l'air et le feu
- vers le bas la terre et l'eau.

C'est le domaine de la génération et de la corruption, de l'impur et des graves.

La physique d'Aristote

Aristote s'occupe aussi de physique, avec quelques fleurs:

-Le vide n'existe pas
-Le seul mouvement spontané dans le domaine sub-lunaire et sur Terre est rectiligne, vers le haut pour les corps légers, comme l'air et le feu, vers le bas pour les corps lourds, comme la terre et l'eau.
-Les corps plus lourds tombent plus vite que les corps légers.
- Tout autre mouvement implique une force appliquée - il n'y a pas de vitesse sans une force (problème de la flèche...), et la vitesse est proportionnelle à la force.


L'astronomie héliocentrique

La science se détache de la philosophie - les scientifiques du IIIe et IIe siècle av. J.-C. (période de l'hellénisme) jettent Aristote aux oubliettes.

Avec Aristarque, Euclide, Archimède, Séleucos, Eratosthène, Apollonios continuent les découvertes deviennent quantitatives :

- l'héliocentrisme,
- Les dimensions de la Terre et de la Lune,
- la distance Terre-Lune,
- la précession des équinoxes,
- l'idée de gravité,
- La théorie des marées ...

Aristarque de Samos (320-250 av. J.-C.), Eratosthène (280-200 av. J.-C.) et Hipparque (190-120 av. J.-C.), proposeront un modèle dans lequel la Lune tournait autour de la Terre, et celle-ci, comme les autres planètes, tournaient autour du Soleil . C'est le modèle "héliocentrique", qui rend très bien compte des phénomènes observés et que l'on attribuera plus tard à Copernic.

Premiers siècles de notre ère (Empire Romain)

Avec la fin de l'hellénisme et des grands royaumes, bien de découvertes sont oubliées, les livres perdus.
Seul Claude Ptolémée, au II siècle de notre ère, recueille ce qui reste des anciennes théories.

Aristote revient a la mode, en fournissant aux théologiens, aussi bien chrétiens qu'islamiques, la cosmologie et la physique dont ils ont besoin pour leur doctrine.

L'héritage scientifique transmis au Moyen Âge consiste de :

1. La physique et la cosmologie d'Aristote
2. L'astronomie et la géographie de Ptolémée
3. Une idée pernicieuse: ce n'est pas aux astronomes de définir la structure du monde; la cosmologie revient aux philosophes.

Claude Ptolémée (v. 100-v. 170)

Au IIe siècle de notre ère un grand scientifique, Claude Ptolémée d'Alexandrie, collecte une partie des connaissances hellénistiques dans des oeuvres encyclopédiques:

- L'Almageste (astronomie)
- La Géographie
- L'Optique

Dans l'Almageste on retrouve le système de sphères d'Eudoxe, remanié par Apollonios et Hipparque. Pour la physique, Ptolémée ne perds pas de temps : il reprend telle quelle celle d'Aristote.

- La Terre est au centre, immobile. Autour d'elle:
- les étoiles fixes font leur révolution en env. 24h
- La Lune tourne en un mois;
- Mercure, Vénus et le Soleil en un an;
- Mars, en deux ans; Jupiter, en douze; Saturne, en trente;

1 - Orbites allongées

Les saisons (qui séparent les solstices et les équinoxes) n'ont pas la même durée:

- Printemps 94 ½ jours
- Eté 92 ½ jours
- Automne 88 1/8 jours
- Hiver 90 1/8 jours

2 - Stations et rétrogradations - Selon Ptolémée :

L'orbite du Soleil autour de la Terre n'est pas parfaitement ronde.
Déférents et Epicycles - Pour limiter le nombre de sphères, Ptolémée utilise pour chaque astre un petit cercle ("épicycle"), porté par un cercle principal, le "déférent".

Au besoin, on utilise des petites tricheries, en déplaçant un peu les centres ou en modulant les vitesses de rotation.

Quatorze siècles de géocentrisme

Les astronomes qui suivront, y compris les astronomes arabes, emploieront le système géocentrique, avec les retouches nécessaires pour obtenir des tables astronomiques à jour.

A partir des modèles et des paramètres de Ptolémée, progressivement modifiés, les astronomes dressent les tables du mouvement des planètes, du Soleil et de la Lune, pendant 1400 ans.

A l'époque de Copernic (en 1500) il n'y avait plus "une" astronomie de Ptolémée: comme pour les recettes de cuisine, il y en avait autant qu'il y avait d'auteurs de tables astronomiques.

L'astronomie arabe (VIIIe - XIVe siècle)

Selon la légende, en l'an 150 de l'Hégire (622), le calife Al Mansur reçoit un homme expert dans le calcul de la position des étoile, provenant de l'Inde.
Le calife ordonna alors de traduire les livres indiens d'astronomie, jusqu'à que l'on s'aperçoive qu'il s'agissait en général d'extraits de la Sintaxis Mathematica de Ptolémée.


L'Almageste (al Majestic) était depuis longtemps dans les bibliothèques du calife, mais personne ou presque s'était donné la peine de l'étudier.
Bientôt, ce furent toutes les œuvres scientifiques grecques à être traduites, sans distinction, avec l'aide des médecins chrétiens appartenant à la secte des Nestoriens.
Le grand mécène de l'astronomie arabe fut le calife Al Ma'mun (813-833) qui fit construire un observatoire à Bagdad même.
Les études astronomiques se poursuivirent intensément, de ville en ville (Maragha, Samarkand, Tolède, Granada) du VIIIe jusqu'au XVe siècle.

Les observatoires

A Bagdad au Xe siècle (Abu l-Wafa).
A Maragha, voulu par l'empereur mongol Hülägü (petit-fils de Gengis Khan) en 1259, dirigé pendant une vingtaine d'années par at-Tusi.
Puis à Samarkand au XVe siècle, voulu par Ulug-Beg (petit fils de Tamerlan), utilisé par ar-Rumi et surtout par al-Kashi.
A Istanbul, voulu par le sultan ottoman Murad III (1574-1743) et utilisé au XVIe s. par Ibn Mahruf.
Plus tard, en Inde, Jai Singh II (1686-1743) voudra de belles architectures pour les observatoires de Delhi, Bénarès, Jaipur, Ujjain et Mathura.

Livres et études se comptent par milliers. La précision des tables astronomiques s'améliore au fil des publications.
Encore aujourd'hui beaucoup de noms d'étoiles et constellations sont d'origine arabe.
On produit de magnifiques instruments de poche (compas + astrolabe), pour satisfaire les besoins de chacun en fait d'astronomie :
- Détermination de l'heure de la prière
- Détermination de la direction de la Mecque
- Détermination du premier et dernier jour du Ramadan
- Compilation du calendrier (luni-solaire)
Les applications religieuses protégent même les scientifiques des attaques récurrentes des 'bigots'.
Malgré une activité si intense et prolongée, il n'y a pas de véritables révolutions conceptuelles (par e. vers l'héliocentrisme) ni instrumentales (optique).

Astronomie médiévale

Chute de l'empire romain d'Occident (476) =>
- perte des connaissances, y c. de la langue grecque.
- Le savoir est condensé dans des « summae » assez rudimentaires.

Peux de noms remarquables avant l'an 1000 :

- le sénateur Boèce, condamné à mort par Théodoric en 524 (De consolatione philosophiae),
- Bède le vénérable (672-735).
- Gerbert d'Aurillac (945-1003), le pape Silvestre II.

Le nouveau millénaire (XIe et XIIe siècle) marque l'inversion de la pente :

- première traduction occidentale des Eléments d'Euclide, par Adélard de Bath (1080-1160, un anglais qui traduit de l'arabe…).
- Traduction des premières œuvres arabes par Gérard de Crémone et beaucoup d'autres, à Tolède et à Salerne.
- Leonardo Pisano, dit le Fibonacci, démontre les mathématiques greco-arabes en Occident (sans beaucoup de suite).

Les idées s'emballent littéralement au XIIIe siècle :

- Albert le Grand (1194-1280) et son disciple Thomas d'Aquin (1225-1275) fondent la scolastique médiévale - le néoplatonisme de St. Augustin est remplacé par la philosophie d'Aristote (expérimentation et étude de sciences naturelles).
- Robert Grosseteste (1175-1253), évêque anglais, fonde l'école franciscaine d'Oxford, à Paris de 1215 à 1219.
- Son élève Roger Bacon (1214-1293), Epître de segretis operibus :
" on pourra faire des navires qui avancent sans rameurs, [...] de même, on pourra faire des chars qui ne seront tirés par aucun animal, et avanceront avec une force incroyable. On pourra construire des machines pour voler, [...] Et on pourra faire des instruments, très petits en eux mêmes, mais suffisants pour soulever ou descendre des énormes poids, [...] Ces machines ont été construites dans l'antiquité."

En astronomie :

- Johannes de Sacrobosco (John Holywood, mort à Paris en 1256) relance l'étude des mouvements célestes avec son traité Sur la sphère, complété par le Theoricae planetarum de Campano da Novara (1215-1296).
- Les astronomes arabes au service d'Alphonse X de Castille ( El Sabio, 1252-1284) rédigèrent des tables astronomiques, les Tables Alphonsines, utilisées faute de mieux jusqu'en 1550 (=> Tables Coperniciennes).
- Nicolas Oresme (1320-1382) :
les phénomènes célestes paraîtraient les mêmes si la terre tournait sur elle même, au lieu du ciel (le Livre du ciel et du monde).
- Nicolas de Cuses (1400-1464) :
« tous les points de l'univers ont la même structure, pourquoi la Terre serait immobile au centre?
Un habitant de Mars, voyant le monde tourner autour de lui (y compris la Terre), pourrait construire un système martio-centrique » (De docta ignorantia).

Que c'était-il passé ?
Voir :

=> Le retour des œuvres scientifiques en Occident et
=> les horloges médiévales.

Il n'y a pas d'horloges astronomiques en Europe avant le XIIIe siècle.
Un expert de horloges médiévales:
« Les chercheurs s'accordent à penser que l'origine des horloges astronomiques en Europe n'est pas antérieure à 1200 ».
Puis en un siècle, entre 1300 et 1400, plus de 100 horloges astronomiques font leur apparition en Europe:

1308-18 Cambrai
1322-25 Cathédrale de Norwich
1307-8 Orvieto
1309 Milan, S. Eustorgio
1343 Cathédrale de Modena
1344 G. Dondi, à Padoue
1386 Cathédrale de Salisbury
etc. etc.

Giovanni e Novello Dondi, Padova 1344 et 1424.
Astrario di Giovanni Dondi, reconstruit par Aldo Bullo à Chioggia en 2003

Astronomie médiévale, XVe siècle

Malgré ces idées révolutionnaires, les calculs astronomiques utilisent encore le seul model perfectionné existant : le système de Ptolémée.
Les versions arabes étant corrompues,
- George Peuerbach, vers 1460, et Regiomontanus (de son vrai nom Johannes Müller, ~1476) traduisent en latin le texte grecque de l'Almageste de Ptolémée.
Dans la pratique … A partir de modèles et des paramètres de Ptolémée , au besoin retouchés, les astronomes dressent les tables du mouvement des planètes, du Soleil et de la Lune.
A l'époque de Copernic (1473-1543) il n'y avait plus "une" astronomie de Ptolémée: comme pour les recettes de cuisine, il y en avait autant qu'il y avait d'auteurs de tables astronomiques.

Le XVe siècle apporte aussi son lot de révolutions :

- invention de l'imprimerie par les frères Gutenberg en 1455
- découverte de l'Amérique en 1492
- l'Almageste de Ptolémée est publié à Venise en 1496.
- Luther affiche ses 95 thèses en 1517, est excommunié en 1521, réécrit le catéchisme en 1529 et traduit la Bible en allemand en 1534.
- Le concile de Trente (1545-1563) produit la contre-réforme et la révision du calendrier julien (1582).

C'est dans ce contexte que vit Nicolas Copernic.

 

 

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